Edouard Limonov «316. V. Épitaphe à l'idiot»

Edouard Limonov

316. V. Épitaphe à l'idiot

/ traduit du russe par Marie Roche-Neidenov
avec la collaboration de Guillaume de Sardes
/ « Collection Noir »
// Paris: « Éditions Louison », 2023,
broché, 250 p.,
ISBN: 979-1-09545-443-4,
dimensions: 214⨉145⨉22 mm

limonka

Limonov, le dernier des idiots internationaux

Natalia Turine

Le 23 février 2000, avant l'élection de Vladimir Poutine, Limonov organise une manifestation sur la place Pouchkine à Moscou. Deux slogans sont scandés : « Poutine on ne veut pas de toi, va-t'en ! » et « À bas l'autoritarisme et la succession au trône ».

Edouard Limonov est l'auteur de l'expression que tout Russe a dit au moins une fois dans sa vie et qui est devenue le mantra de l'opposition : « La Russie sans Poutine ». Il est l'initiateur de la « Stratégie 31 » — tous les 31 du mois il appelait le peuple à sortir sur la place Triumfalnaia pour exiger le droit de se réunir et de manifester librement (conformément à l'article 31 de la Constitution).

Pour lui, la plus importante des revendications était la tenue d'élections libres — c'était trop peu pour les libéraux, trop primitif, pas assez glamour. Eux préféraient falsifier les résultats pour le bien d'un peuple supposé ignorant. Ils l'ont fait avec Eltsine, ils l'ont fait avec Poutine.

Limonov trouvait la Russie, où moins de 1% des gens possède 72% des richesses, indigne de sa culture.

Il aurait aimé que son rôle, dans un film qui serait adapté du livre biographique qu'Emmanuel Carrère lui a consacré, soit tenu par Johnny Depp, un gars sauvage, comme lui.

Parmi tous les hommes politiques russes, il faisait confiance à un joueur d'échecs, Kasparov.

Il aimait les femmes qui nuisent à la santé.

Il se disait légitime, parce qu'il avait connu la prison comme tous les Russes bien. Si Poutine savait lire il aurait appris chez Soljénitsyne que deux types de prisonniers sont indomptables : les nationalistes et les sectaires. Limonov en a été l'illustration lui qui a dirigé le parti national-bolchevik. Si Poutine savait lire, il n'y aurait pas de guerre…

Il était un « poète russe qui préférait les grands nègres ». Il était un corbeau blanc.

Il est né en 1943, en Ukraine, il a grandi à Kharkiv, la ville qu'il a immortalisée dans ses livres, comme Joyce a créé Dublin dans les siens. Il parlait ukrainien. Il a pleuré le jour où la Crimée est redevenue russe.

Il n'aimait pas l'Occident. Mais il aimait Mitterrand, parce que ce Français était un Pharaon qui lisait ses livres.

Il aurait aimé être tué. Un bon écrivain n'est-il pas un écrivain mort ?

Une première fois, j'ai voulu publier 316. V parce qu'en France on ne parlait alors que d'euthanasie. Mourir ou ne pas mourir, telle était la question. Or dans 316. V, Limonov imagine des États-Unis où une loi exigerait l'euthanasie de toute personne arrivée à l'âge de soixante-cinq ans. Cela tombait bien. Mais à l'époque Limonov était emprisonné en Russie suite à un litige avec le maire de Moscou. Son agent en France était lui trop occupé par des clients beaucoup plus importants qu'un génie russe sous les verrous. Le projet n'a jamais vu le jour.

Puis tu es mort, Edouard !

Mais ton héros est bel et bien vivant : il s'est offert un nouveau visage et dirige l'Amérique avec enthousiasme. Il n'y a pas que Poutine pour avoir des sosies.

Repose en paix, Vieux.

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